Dividendes miniers au Sénégal : entre mobilisation record et opacité persistante


Rédigé le 4 Octobre 2025 à 15:02 | 0 commentaire(s) modifié le 4 Octobre 2025 15:51

Ndakhté M. GAYE est un journaliste d'investigation engagé dans le suivi citoyen des obligations… En savoir plus sur cet auteur

EMA - Malgré une hausse record des dividendes miniers en 2025, leur évolution reste irrégulière et opaque, révélant des fragilités persistantes dans la gouvernance extractive.


Une trajectoire en dents de scie

Malgré une hausse record des dividendes miniers en 2025, leur évolution reste irrégulière et opaque, révélant des fragilités persistantes dans la gouvernance extractive.
Les dividendes versés à l’État du Sénégal par les sociétés minières ont connu une évolution irrégulière entre 2021 et 2025 :
 
Année Dividendes versés (Mds FCFA) Variation annuelle 2021 3,82 — 2022 16,6 +334% 2023 29,77 +79% 2024 23,16 −22% 2025 41,425 +79%

Cette trajectoire en dents de scie soulève des interrogations majeures. Alors que la hausse entre 2022 et 2023 semble refléter une meilleure captation des revenus miniers, la baisse entre 2023 et 2024 reste inexpliquée. Et la remontée spectaculaire en 2025, bien que saluée, n’est accompagnée d’aucune analyse détaillée dans le résumé rapport annuel publié par la SOMISEN SA.

Une sous-valorisation structurelle en 2023

Selon les données de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE), les dividendes ne représentaient que 8% des revenus du secteur minier en 2023. Ce chiffre révélait une sous-valorisation chronique des participations publiques, et un déséquilibre persistant entre les recettes fiscales et les revenus d’investissement.

Une mobilisation record en 2025… sans explication

En août 2025, la SOMISEN SA annonce une hausse de 126% des dividendes bruts versés à l’État, atteignant 41,425 milliards FCFA, contre une moyenne de 18 milliards FCFA sur les quatre années précédentes. Cette performance est attribuée à un “encadrement stratégique renforcé” et une “coordination accrue”, mais sans données désagrégées ni ventilation par société.

Le résumé du rapport évoque également 29,532 milliards FCFA d’IRVM, portant le total mobilisé à 70,957 milliards FCFA. Mais là encore, aucune explication n’est fournie sur les mécanismes de calcul, les critères de répartition ou les sociétés contributrices.

Une transparence limitée

Le bref résumé (texte) du rapport annuel est disponible sur le site de la SOMISEN SA (image), mais le rapport complet reste introuvable. Cette absence limite la capacité des journalistes, chercheurs et citoyens à exercer un suivi rigoureux des flux financiers issus du secteur minier.

La transparence ne se décrète pas, elle se démontre. Sans accès aux données détaillées, la mobilisation record de 2025 reste une performance sans preuve. 

Un appel à redevabilité

Si la SOMISEN SA veut incarner durablement un opérateur public souverain, elle doit aller au-delà des chiffres bruts et publier :
Un rapport complet, accessible et désagrégé. Une analyse comparative des dividendes par société et par filière. Une explication des variations annuelles. Une projection des recettes attendues sur les projets en cours.
Performance ou écran de fumée ?

La hausse des dividendes en 2025 est indéniable. Mais sans explication sur les fluctuations passées ni transparence sur les sources, elle risque de masquer des fragilités structurelles. Pour que la SOMISEN SA soit perçue comme un levier de souveraineté économique, elle doit aussi devenir un modèle de redevabilité publique.


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