Finance islamique : entre foi, éthique et inclusion, une alternative en quête de médiation


Rédigé le 24 Octobre 2025 à 11:35 | 0 commentaire(s) modifié le 27 Octobre 2025 12:37

Ndakhté M. GAYE est un journaliste d'investigation engagé dans le suivi citoyen des obligations… En savoir plus sur cet auteur

EMA - Entre fondements doctrinaux, instruments financiers et enjeux d’inclusion, la session de sensibilisation sur la finance islamique a révélé les contours d’un modèle alternatif encore méconnu,...


Lors d’un atelier organisé à la Maison de la Presse par l’OQSF et le Cabinet GIFT, les journalistes économiques du COJES ont plongé dans l’univers de la finance islamique. Entre fondements doctrinaux, instruments financiers et enjeux d’inclusion, cette session a révélé les contours d’un modèle alternatif encore méconnu, mais porteur de promesses pour une économie plus équitable.

Une finance enracinée dans la foi et la justice

La finance islamique ne se limite pas à une série de produits bancaires sans intérêt. Elle s’inscrit dans une vision du monde fondée sur la Shari’ah, le droit musulman, qui encadre les relations entre l’homme et Dieu (ibadat), mais aussi entre les hommes eux-mêmes (muamalat). C’est dans ce second registre que s’inscrit la finance islamique, avec une ambition claire : promouvoir une économie éthique, solidaire et ancrée dans le réel.

Trois interdictions majeures structurent ce modèle :
Riba : l’interdiction de l’intérêt, considéré comme une forme d’injustice économique. Gharar : l’interdiction de l’incertitude excessive dans les contrats. Maysir : l’interdiction du jeu et de la spéculation.
Ces principes visent à rétablir un équilibre entre les parties, à encourager le partage des risques et à bannir les pratiques prédatrices.

Des instruments adossés à l’économie réelle

La présentation du Cabinet GIFT a permis de clarifier les mécanismes concrets de la finance islamique. Contrairement à une idée reçue, il ne s’agit pas d’un système figé, mais d’un ensemble d’outils contractuels adaptés à différents besoins :
Mourabaha : contrat de vente avec marge connue, très utilisé pour le financement de biens. Ijara : location avec ou sans transfert de propriété. Moudaraba et Moucharaka : partenariats avec partage des profits et pertes. Qard Hassan : prêt sans intérêt, à visée sociale.
Ces instruments sont conçus pour être compatibles avec les principes religieux tout en répondant aux exigences de l’économie moderne. Ils sont particulièrement adaptés aux PME, aux projets d’infrastructure ou à la microfinance.

Inclusion financière : une promesse à concrétiser

Au Sénégal, où plus de 95 % de la population est de confession musulmane, la finance islamique représente un levier stratégique pour l’inclusion financière. Elle s’adresse en priorité aux populations exclues du système bancaire classique : femmes de l’économie informelle, jeunes entrepreneurs, zones rurales.

Le Cabinet GIFT a souligné l’importance de la microfinance islamique comme outil de lutte contre la pauvreté, en insistant sur la nécessité de données d’impact pour mesurer les résultats. Des initiatives comme le FDMI (ex-PROMISE) s’inscrivent dans cette dynamique, mais restent encore peu connues du grand public.

Journalistes économiques : traducteurs de complexité

L’un des temps forts de l’atelier a été la reconnaissance du rôle stratégique des journalistes économiques. Vulgariser la finance islamique, ce n’est pas seulement expliquer des concepts : c’est déconstruire les idées reçues, rendre visible l’impact social, et créer un espace de dialogue entre institutions et citoyens.

Le Cabinet GIFT a encouragé la production de contenus accessibles comme des articles de fond. Il a également exprimé son ouverture à des partenariats éditoriaux pour accompagner cette dynamique.

Une Afrique francophone encore en marge

Avec plus de 4 000 milliards USD d’actifs dans le monde en 2021, la finance islamique connaît une croissance soutenue. Pourtant, l’Afrique francophone reste en retrait, malgré des avancées notables : présence de banques islamiques (BIS, Coris Barakah), émission de Sukuk souverains, programmes de microfinance.

Le Cabinet GIFT appelle à une meilleure structuration du secteur : cadre réglementaire clair, incitations fiscales, formation des acteurs, et surtout, sensibilisation du public.

Une finance de sens, un défi de narration

L’atelier du 22 octobre 2025 n’était pas un simple exercice académique. Il a marqué un tournant dans la manière dont la finance islamique peut être racontée, comprise et portée dans l’espace public. Pour les journalistes du COJES, il s’agit désormais de transformer cette matière doctrinale en récits accessibles, ancrés dans les réalités sociales.

La finance islamique n’est pas une niche. C’est une promesse. Encore faut-il savoir la raconter.


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