Panorama des actualités énergétiques en afrique de l'ouest (2024-2025) : projets, politiques et perspectives


Rédigé le 4 Aout 2025 à 11:41 | 0 commentaire(s) modifié le 4 Aout 2025 14:15


(EMA - Sénégal) - Un article basé sur des sources documentaires donne un aperçu analytique et exhaustif des développements énergétiques récents, des changements de politique et des tendances d'investissement.


L'Afrique de l'Ouest est confrontée à des défis énergétiques considérables, exacerbés par une population en croissance rapide et une pression accrue sur ses ressources naturelles. La région s'est fixé l'objectif ambitieux d'assurer un accès universel à des services énergétiques modernes, abordables, fiables et durables pour ses 810 millions d'habitants d'ici 2050.

Un obstacle majeur demeure la forte dépendance de la région aux sources de biomasse traditionnelles, telles que le bois de chauffage et le charbon de bois, qui entraînent une déforestation généralisée, une pollution de l'air intérieur et des risques sanitaires importants, en particulier pour les femmes et les enfants. Malgré un potentiel immense en énergies renouvelables – estimé à 1000 fois sa demande d'électricité projetée d'ici 2040 – l'Afrique n'attire actuellement qu'environ 2 % des investissements mondiaux dans l'énergie propre. Cette disparité flagrante met en lumière un déficit de financement critique qui entrave la transition énergétique du continent.

Le présent rapport vise à fournir un aperçu analytique et exhaustif des développements énergétiques récents, des changements de politique et des tendances d'investissement observés en Mauritanie, en Côte d'Ivoire, au Mali, au Bénin et au Burkina Faso au cours des années 2024-2025. Ces informations sont contextualisées dans le paysage énergétique plus large de l'Afrique de l'Ouest, offrant une synthèse des projets clés, des initiatives politiques et des perspectives régionales.


Tendances régionales et initiatives transversales

La Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) a défini une vision claire pour l'avenir énergétique de la région. Sa politique énergétique, mise à jour en juillet 2023, exprime une ambition transformative : garantir un accès universel à l'énergie moderne et propre – incluant l'électricité, le gaz naturel, le butane de cuisson et le biogaz – pour tous ses citoyens d'ici 2050.

Cette politique prévoit explicitement un mix énergétique fortement orienté vers les énergies renouvelables et le gaz naturel, tout en visant des améliorations substantielles de l'efficacité énergétique et une réduction drastique de l'utilisation des combustibles ligneux. L'objectif stratégique 6 de cette politique met un accent particulier sur l'amélioration de l'accès à l'énergie moderne et propre pour la cuisson domestique, promouvant activement le gaz de pétrole liquéfié (GPL) et d'autres combustibles de cuisson propres pour freiner la déforestation et améliorer la santé publique.

La politique actualisée de la CEDEAO témoigne d'un engagement régional clair en faveur d'une transition énergétique globale qui va au-delà du simple accès à l'électricité pour englober des solutions essentielles de cuisson propre. Cette approche intégrée démontre une compréhension approfondie de la nature multifacette de la pauvreté énergétique et de ses impacts environnementaux et sanitaires interdépendants dans la région.

Le Centre de services scientifiques ouest africain sur le changement climatique et l'utilisation adaptée des terres (WASCAL) joue un rôle déterminant dans la transition énergétique durable en Afrique de l'Ouest. L'organisation s'engage activement à fournir des solutions énergétiques durables adaptées aux besoins spécifiques des communautés locales, une démarche cruciale étant donné que plus de 60 % des habitants des zones rurales d'Afrique de l'Ouest n'ont pas un accès adéquat à l'électricité. Une initiative phare de WASCAL est l'installation de micro-réseaux solaires dans les zones rurales, qui fournissent une énergie fiable et abordable, favorisant ainsi le développement économique et social local et soutenant les pratiques agricoles durables.

WASCAL collabore étroitement avec la CEDEAO et son Centre pour les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique (ECREEE) pour élaborer des politiques régionales innovantes, notamment sur le front prometteur de l'hydrogène vert. L'organisation met un accent particulier sur la formation de professionnels dans le domaine des énergies renouvelables, reconnaissant que l'expertise locale est essentielle pour la pérennité des projets énergétiques et pour répondre à la demande croissante de compétences spécialisées dans le secteur énergétique de la région.

L'orientation stratégique de WASCAL vers les micro réseaux solaires et son investissement dans le renforcement des capacités locales par la formation d'experts mettent en évidence une approche décentralisée et ascendante essentielle pour l'accès à l'énergie. Cette stratégie pragmatique est indispensable pour combler efficacement l'écart significatif d'accès à l'énergie entre les zones rurales et urbaines, un problème prévalent dans toute l'Afrique de l'Ouest.

Pour illustrer les objectifs nationaux de transition énergétique, le tableau ci-dessous offre une vue d'ensemble comparative des engagements et des cibles pour 2024-2030 : Tableau 1 : Objectifs Clés de la Transition Énergétique par Pays (2024-2030)
Pays Cible d'Accès à l'Électricité (%) Cible Part ENR dans Mix Électrique (%) Année Cible Principales Initiatives / Domaines d'Intérêt Mauritanie 100% (actuellement 55%) 70% (actuellement 44%) 2030 Gaz naturel national, IPP, réduction des GES, hydrogène vert Côte d'Ivoire Accès universel (PEPT vise 3.5M habitants) Augmentation significative (PSDEREE 2020-2030) N/A Solaire (Bondoukou, FERKE SOLAR, 100 MWp), Biomasse, Mobilité électrique, exploration nucléaire, interconnexion WAPP Mali Renforcement accès national (24 Mrds FCFA) 10 GW solaire (Desert to Power) 2030 (Mission 300) Renforcement infrastructures, solaire (Desert to Power), interconnexion régionale Bénin Renforcement réseau (PRERA) Augmentation significative (FORSUN, 5 centrales solaires 100MW) 2024 (5 centrales) Intégration enjeux climatiques, solaire, valorisation biomasse Burkina Faso Amélioration progressive en 2025 Augmentation (Solaire Dédougou, Desert to Power) 2025 (amélioration) Maintenance, centrales thermiques/solaires, exploration nucléaire, électrification rurale 

Financements et Investissements

Les institutions multilatérales jouent un rôle central dans le financement du secteur énergétique ouest africain. La Banque ouest africaine de développement (BOAD) a alloué un financement total de 1 977,9 milliards FCFA au secteur de l'énergie et des ressources naturelles au 30 juin 2024. Ses priorités incluent la promotion de la transition énergétique, le développement des interconnexions régionales et l'amélioration des taux d'accès à l'électricité. Le plan Djoliba 2021-2025 de la BOAD vise à ajouter 380 MW de capacité pour améliorer l'électrification dans les pays de l'UEMOA d'ici 2025.

La Banque africaine de développement (BAD), en partenariat avec la Banque mondiale, pilote l'initiative "Mission 300", dont l'objectif est de fournir un accès à l'électricité à 300 millions d'Africains d'ici 2030. L'initiative "Desert to Power", également menée par la BAD, vise à générer jusqu'à 10 GW d'énergie solaire pour alimenter 250 millions de personnes dans 11 pays du Sahel, dont le Mali et le Burkina Faso. En juin 2025, la BAD a approuvé une subvention de 5,03 millions de dollars pour la phase 2 du programme d'assistance technique de Desert to Power, ciblant spécifiquement les investissements solaires et les mini réseaux.

La Banque mondiale s'est engagée à consacrer 45 % de son budget annuel à l'action climatique à partir de 2025, avec une répartition égale entre les efforts d'adaptation et d'atténuation. Elle apporte un soutien direct à la Mauritanie pour renforcer sa sécurité énergétique et améliorer l'efficacité des dépenses publiques en intégrant des critères climato intelligents dans les projets d'investissement public. Le Mali, le Burkina Faso et le Bénin figurent parmi les pays bénéficiaires de l'allocation pour la prévention et la résilience (PRA) de la Banque mondiale. Les efforts concertés des banques multilatérales de développement à travers des initiatives majeures comme Mission 300 et Desert to Power démontrent une reconnaissance claire de l'ampleur du déficit énergétique africain et de la nécessité impérative de financements mixtes et d'une intégration régionale. Cela indique une évolution stratégique des projets nationaux fragmentés vers des approches régionales plus coordonnées et à grande échelle, nécessaires pour relever efficacement les défis énergétiques systémiques.

Le Fonds pour l'énergie durable en Afrique (SEFA), géré par la BAD, fournit des financements catalytiques pour débloquer les investissements du secteur privé dans les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique. Le Japon a rejoint le SEFA en 2024 en tant que 11e donateur, renforçant ainsi sa capacité. Le portefeuille du SEFA comprend des projets prêts à l'investissement, tels que le développement de micro réseaux et de solutions de cuisson propre.

Les investissements mondiaux dans l'énergie devraient atteindre un record de 3 300 milliards USD en 2025, dont 2 200 milliards USD seront spécifiquement alloués aux technologies propres. Cependant, l'Afrique, qui représente 20 % de la population mondiale, ne capte actuellement qu'environ 2 % de ces investissements mondiaux cruciaux dans l'énergie propre. Il est encourageant de noter que le financement privé dans les énergies renouvelables en Afrique a plus que doublé, passant de 17 milliards USD en 2019 à près de 40 milliards USD en 2024, en partie grâce à la baisse des coûts des technologies renouvelables, en particulier le solaire.

Néanmoins, cette tendance positive est considérablement freinée par une diminution des financements publics : les financements des institutions publiques et de développement ont baissé d'un tiers sur dix ans (de 28 milliards USD en 2015 à 20 milliards USD en 2024), principalement en raison d'une réduction de plus de 85 % des financements chinois entre 2015 et 2021.

Le paradoxe frappant entre l'immense potentiel de l'Afrique en matière d'énergies renouvelables et sa part disproportionnellement faible des investissements mondiaux dans l'énergie propre met en évidence un déficit de financement critique et persistant. La diminution observée des financements publics, malgré une augmentation des investissements privés, indique un besoin urgent de modèles de financement mixte innovants et de mécanismes de réduction des risques robustes pour attirer des capitaux nettement plus importants, en particulier en monnaies locales. Ne pas remédier à cette situation pourrait entraîner la marginalisation du continent dans la transition énergétique mondiale, malgré ses avantages inhérents.

Le tableau suivant présente une vue d'ensemble des financements et investissements clés dans l'énergie propre en Afrique de l'Ouest pour la période 2024-2025, soulignant les dynamiques financières régionales et les défis de mobilisation de capitaux :
Tableau 2 : Financements et Investissements dans l'Énergie Propre en Afrique de l'Ouest (2024-2025)

Indicateur / Projet Montant / Détail Source / Pays Période / Date Investissements mondiaux énergie 3 300 milliards USD Mondial 2025 (prév.) Investissements mondiaux technologies propres 2 200 milliards USD Mondial 2025 (prév.) Part de l'Afrique dans investissements énergie propre ~2% Afrique Actuel Financement privé ENR en Afrique ~40 milliards USD (vs 17 Mrds en 2019) Afrique 2024 Financement public/institutions dev. en Afrique 20 milliards USD (vs 28 Mrds en 2015) Afrique 2024 Potentiel ENR Afrique vs. demande 2040 1000x supérieur Afrique 2040 Financements BOAD énergie/ressources naturelles 1 977,9 milliards FCFA Afrique de l'Ouest (UEMOA) Au 30 juin 2024 Capacité additionnelle Plan Djoliba (BOAD) 380 MW UEMOA 2021-2025 Subvention Phase 2 Desert to Power (BAD) 5,03 millions USD Sahel (Mali, Burkina Faso, etc.) Juin 2025 Financement électricité Mali 24 milliards FCFA Mali (Fonds national) Juillet 2025 Budget énergie/mines Burkina Faso 15,9 milliards FCFA Burkina Faso (Budget État) Juillet 2025 Projet solaire Dédougou 7 millions USD Burkina Faso Juillet 2025 Centrale solaire Bondoukou ~50 milliards FCFA Côte d'Ivoire 2025 (lancement) 5 centrales solaires Bénin 53 milliards FCFA Bénin 2019-2024 (en cours) Projets hydrogène vert Mauritanie Milliards d'euros promis Mauritanie 2024-2025 

Défis et opportunités communs

Les pays africains sont extrêmement vulnérables au changement climatique, 17 des 20 nations les plus vulnérables au monde étant situées sur le continent. Les coûts financiers des impacts climatiques varient de 2 % à 9 % des budgets nationaux. Ces coûts devraient atteindre 50 milliards USD par an d'ici 2050, entraînant potentiellement le déplacement de 86 millions de personnes si les politiques d'adaptation climatique ne sont pas suffisamment financées.

En réponse, la Banque mondiale a alloué 45 % de son budget annuel à l'action climatique à partir de 2025, avec une répartition égale entre les efforts d'adaptation et d'atténuation. Le Fonds pour les pertes et dommages, créé en juin 2024, représente un effort international significatif pour faire face à ces impacts. Le fardeau financier important et croissant du changement climatique sur les nations d'Afrique de l'Ouest souligne l'urgence critique d'accélérer la transition énergétique. Cette accélération est vitale non seulement pour le développement durable, mais aussi pour garantir la résilience économique et la stabilité des populations. Cela met également en évidence l'impératif pour les mécanismes de financement climatique internationaux d'être plus accessibles, directs et réactifs aux vulnérabilités et aux besoins spécifiques de la région.

Un défi persistant et significatif dans toute la région est la forte dépendance aux sources de biomasse traditionnelles (bois, charbon de bois) pour la cuisson, qui est un facteur principal de déforestation et cause une grave pollution de l'air intérieur, posant des risques sanitaires substantiels. Il existe toujours un écart prononcé dans l'accès à l'énergie propre entre les zones urbaines et rurales, les populations rurales étant touchées de manière disproportionnée.

Les politiques régionales, notamment celles de la CEDEAO, mettent de plus en plus l'accent sur le passage à des combustibles de cuisson plus propres comme le GPL et le biogaz, et promeuvent l'adoption de foyers améliorés comme solutions clés. La dépendance continue et généralisée à la biomasse traditionnelle révèle que la réalisation d'un accès complet à l'énergie ne consiste pas seulement à étendre les réseaux électriques, mais fondamentalement à répondre aux besoins énergétiques de base des ménages. L'accent croissant mis sur les solutions de cuisson propre dans les politiques régionales indique une reconnaissance cruciale des profonds avantages sanitaires, environnementaux et socio-économiques (en particulier pour les femmes et les enfants) qui résultent de l'abandon du bois et du charbon de bois.

L'hydrogène vert est de plus en plus reconnu comme une source d'énergie prometteuse pour diversifier les approvisionnements énergétiques et réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre dans la région ouest africaine. La Mauritanie se positionne comme un pionnier dans ce domaine, ayant adopté une loi dédiée à l'hydrogène vert en septembre 2024. Ce cadre législatif a attiré des acteurs internationaux majeurs comme BP, TotalEnergies et CWP, avec des promesses d'investissements de milliards d'euros.

Le potentiel de production d'hydrogène vert de la Mauritanie pourrait atteindre 6 272 tonnes/km²/an. Le Maroc, bien que n'étant pas directement en Afrique de l'Ouest, sert de référence régionale, excellant dans l'énergie solaire (par exemple, le complexe Noor) et les technologies durables, démontrant le potentiel de développement à grande échelle des énergies renouvelables. L'innovation dans le secteur énergétique africain en 2024 s'est largement concentrée sur les solutions durables et l'amélioration de l'accès à l'énergie pour les communautés rurales et isolées, le développement des micro réseaux solaires étant une avancée technologique clé.

L'émergence proactive d'initiatives d'hydrogène vert, notamment menées par la Mauritanie, signale une approche prospective et hautement stratégique de la diversification énergétique et du potentiel d'exportation, allant au-delà des combustibles fossiles traditionnels. Cela représente non seulement une opportunité énergétique significative, mais aussi une voie pour l'innovation industrielle et une contribution substantielle aux efforts mondiaux de décarbonation, positionnant potentiellement l'Afrique de l'Ouest comme un futur leader dans les exportations d'énergie propre.

EMA


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