Régulation de l’énergie : entre équilibres tarifaires et exigences techniques


Rédigé le 2 Décembre 2025 à 11:48 commentaire(s) modifié le 4 Décembre 2025 19:17

Ndakhté M. GAYE est un journaliste d'investigation engagé dans le suivi citoyen des obligations… En savoir plus sur cet auteur

EMA - La régulation économique et la régulation technique forment les deux piliers d’un édifice complexe , que la CRSE tente de stabiliser.


Réguler le secteur de l’énergie, ce n’est pas seulement fixer des prix. Pour les experts en la matière de la Commission de régulation du secteur de l'énergie (CRSE), c’est aussi garantir que l’électricité circule, que les compteurs fonctionnent, que les normes sont respectées et que les consommateurs sont protégés.

L'analyse de leurs exposés sur la régulation économique et la régulation technique faits lors de l'atelier de formation des membres du Collectif des journalistes économiques du Sénégal (COJES) montre que celles-ci forment les deux piliers d’un édifice complexe, que la CRSE tente de stabiliser dans un contexte de mutation profonde.

L’économie de la régulation : une équation à plusieurs inconnues

La régulation économique vise à fixer des tarifs « justes » dans un secteur souvent en monopole naturel. A cet égard, trois méthodes dominant ont été mis en exergue par El Hadji Diakhaté, directeur de la régulation économique de la CRSE :
Cost Plus : remboursement des coûts réels avec une marge à l'opérateur . Price Cap : trajectoire de prix par le régulateur avec exigence de productivité. Revenue Cap : plafonnement des revenus autorisés, avec liberté tarifaire.
Mais au Sénégal, cette régulation se heurte à des réalités tenaces :
Des subventions massives qui pèsent sur les finances publiques. Des tarifs sociaux qui protègent les ménages mais fragilisent les opérateurs. Une multiplication des acteurs (Senelec, CER, IPPs, distributeurs de gaz) qui complexifie le pilotage.
La CRSE doit donc arbitrer entre viabilité financière, équité sociale et soutenabilité budgétaire. Un exercice d’équilibriste.

La régulation technique : faire respecter les normes

Mais fixer un tarif ne suffit pas. Encore faut-il que le service soit rendu correctement. C’est là qu’intervient la régulation technique. Là, l'expert de la CRSE a mis en avant trois leviers sur lesquels elle repose :
Contrôle des opérateurs : Senelec, CER, IPPs, ERIL… tous doivent respecter leurs cahiers des charges. Suivi des indicateurs de performance : disponibilité, fréquence, tension, interruptions (SAIFI, SAIDI), énergie non fournie (ENF). Respect du Code de réseau : règles de raccordement, d’exploitation, de comptage, de sauvegarde.
La CRSE fixe des normes de qualité et des incitations contractuelles :
1 410 FCFA/kWh non fourni au-delà de la norme. 100 millions FCFA par coupure excessive. 6 669 FCFA/jour de retard pour vérification de compteur.
Ces mécanismes visent à pousser les opérateurs à la performance, mais aussi à instaurer une relation de confiance avec les usagers.

Quand l’économie et la technique se croisent

La régulation économique et technique ne sont pas des silos. Elles s’interpénètrent :
Un tarif trop bas peut dégrader la qualité du service. Une norme trop exigeante peut rendre le modèle économique intenable. Une mauvaise performance technique peut entraîner des compensations… qui affectent les équilibres financiers.
La CRSE doit donc piloter un système où chaque décision tarifaire a des conséquences techniques, et chaque exigence technique a un coût économique.

Le défi de la transparence

Pour que cette régulation soit comprise et acceptée, elle doit être expliquée. C’est là que le partenariat avec le COJES prend tout son sens. Les journalistes économiques deviennent les traducteurs de cette complexité, les relais d’une pédagogie publique.

Mais la transparence ne se décrète pas. Elle se construit :
Par des données accessibles. Par des procédures claires (réclamations, enquêtes, médiation). Par une communication proactive sur les arbitrages et les choix.
Réguler l’énergie, c’est naviguer entre chiffres et normes, entre équité et efficacité, entre pression budgétaire et exigence technique. C’est un art de l’équilibre, que la CRSE tente de maîtriser dans un contexte mouvant.

Pour les citoyens, cela signifie plus qu’un tarif ou une coupure : cela signifie un droit à l’énergie, garanti par des règles claires et des institutions solides. Et pour les journalistes économiques, cela signifie une mission : rendre visible l’invisible, et faire de la régulation un sujet de débat public.

Energie & Mines Afrique (EMA) est disposé à jouer sa partition. 


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