Sénégal : un atelier national stratégique pour opérationnaliser le système de suivi-évaluation de l’adaptation climatique


Rédigé le 5 Décembre 2025 à 17:03 | 0 commentaire(s) modifié le 5 Décembre 2025 17:22


EMA - Cette rencontre marque une étape décisive dans le renforcement du pilotage national des politiques climatiques.


Réunis ce jeudi 4 décembre 2025 à Dakar, soixante acteurs institutionnels, techniques et communautaires ont pris part à un atelier national consacré à l’opérationnalisation du Système de suivi-évaluation et apprentissage (SSEA) de la composante « adaptation » de la Contribution déterminée au niveau national (CDN) du Sénégal. Cette rencontre, organisée par le ministère de l’Environnement et de la Transition Écologique (METE) avec l’appui du programme AdaptAction de l’Agence française de développement (AFD), marque une étape décisive dans le renforcement du pilotage national des politiques climatiques.

Un pays fortement vulnérable, un impératif d’action urgente

Le Sénégal, situé entre influences sahéliennes et maritimes, reste l’un des pays les plus exposés aux effets du changement climatique. Variabilité accrue des précipitations, vagues de chaleur extrême, montée du niveau de la mer et érosion côtière croissante ont déjà des impacts tangibles sur les populations, les territoires et l’économie. Les ménages les plus vulnérables, souvent installés dans des zones à risque, en subissent de plein fouet les conséquences.

Les projections soulignent l’urgence : sans action forte, les pertes économiques pourraient atteindre jusqu’à 9,4 % du PIB en 2050, selon le rapport CCDR de la Banque mondiale. À l’inverse, une stratégie d’adaptation bien coordonnée pourrait générer des gains de croissance allant jusqu’à 2 % d’ici 2030.

Un cadre national renforcé et une gouvernance climatique en mutation

Dans sa marche vers le statut de pays à revenu intermédiaire supérieur à l’horizon 2050, le Sénégal renforce progressivement son cadre juridique, réglementaire et institutionnel relatif à l’action climatique, notamment à travers l’élaboration d’une future Loi Climat prévue pour 2026. Le SSEA est l’un des outils phares destinés à appuyer cette transformation structurelle et à renforcer la transparence, la planification et la coordination.

C’est dans ce contexte que l’atelier du 4 décembre 2025 vient poser les bases de l’opérationnalisation du système.

Un partenariat stratégique avec l’AFD et le programme AdaptAction

Avec un portefeuille de 855 millions d’euros de financements à co-bénéfice climat en cours d’exécution au Sénégal — dont 72 % consacrés à l’adaptation — l’AFD s’impose comme un partenaire majeur du pays dans la conduite de sa politique climatique. Depuis 2018, le programme AdaptAction joue un rôle structurant en accompagnant le Sénégal dans la consolidation de son approche intégrée de l’adaptation, articulant gestion des risques, prévention et renforcement des capacités.

Depuis 2019, AdaptAction accompagne spécifiquement le développement du SSEA de l’adaptation de la CDN, en appui à la Direction du Changement Climatique, de la Transition Écologique et de la Finance Verte (DCCTEFV).

Abacar DIENG : « Le SSEA change la manière de gouverner l’adaptation »

Dans son allocution d’ouverture, Abacar DIENG, conseiller technique du ministre de l’Environnement et de la Transition Écologique, a insisté sur la portée stratégique du dispositif. « L’atelier d’aujourd’hui nous rapproche de l’opérationnalisation d’un outil essentiel, un instrument stratégique et un levier de performance : le Système national de suivi, d’évaluation et d’apprentissage. »

Il a rappelé les fonctions-clés du SSEA, conçu pour devenir un pilier de la gouvernance climatique nationale. « Le SSEA est capable de mesurer la mise en œuvre du volet adaptation de la CDN à travers des indicateurs sectoriels et intersectoriels ; de fournir une information fiable et régulière à destination du gouvernement, des collectivités territoriales et des partenaires ; d’orienter la prise de décision en identifiant les progrès, les contraintes et les besoins correctifs ; de renforcer la transparence sur le financement climatique ; et de capturer les apprentissages pour améliorer continuellement nos stratégies. »

Le conseiller technique a également détaillé la structure du système. « Le SSEA intègre trois grandes catégories d’indicateurs : les indicateurs d’entrée, qui mesurent les ressources mobilisées ; les indicateurs de processus, qui évaluent les activités réalisées et les indicateurs de résultats et d’impact, qui mesurent l’effet réel sur les populations et les écosystèmes. »

Plus qu’un simple outil de reporting, le SSEA marque une rupture dans la manière d’appréhender les politiques climatiques. « Le SSEA n’est donc pas un simple outil statistique. C’est un système qui change la manière de gouverner l’adaptation. Il permettra d’ajuster nos politiques en temps réel, d’améliorer la coordination intersectorielle, de renforcer la redevabilité envers les citoyens et de soutenir le plaidoyer du Sénégal pour accéder aux financements climat », a clarifié M. Dieng.

Selon lui, le dispositif marque l’entrée du Sénégal dans une nouvelle ère. « Un tel système fait entrer notre pays dans une nouvelle génération de politiques climatiques : fondées sur l’évidence, mesurables, auditées, orientées vers l’impact. »

Un moment clé pour la mise en œuvre de l’Accord de Paris

Abacar DIENG a souligné que l’opérationnalisation du SSEA constitue une étape essentielle dans la préparation du Sénégal au cadre de transparence renforcée de l’Accord de Paris. A ce propos, il a laissé entendre qu’« en organisant cette rencontre, le Sénégal réaffirme son engagement à honorer les obligations de la CDN. La réussite de cet atelier repose sur la capacité collective à valider les propositions méthodologiques et institutionnelles, affiner les indicateurs, définir les responsabilités de collecte, établir un calendrier réaliste et garantir l’intégration du SSEA dans les systèmes nationaux. »

Il a conclu sur une vision forte du leadership climatique sénégalais. « En mettant en place ce système, le Sénégal confirme son leadership climatique. Nous cessons de parler en intentions. Nous parlons désormais en indicateurs, en progrès vérifiés, en impacts mesurés. C’est cela, la gouvernance moderne. C’est cela, la vision du Sénégal que nous construisons ensemble. »

Des travaux techniques pour préparer les prochains rapports internationaux

L’atelier de Dakar ouvre une série de sessions de coaching technique destinées à renforcer les capacités des ministères, collectivités et institutions impliquées. Le Centre de suivi écologique (CSE), associé au cabinet Ramboll, assure l’accompagnement scientifique et méthodologique de ce processus.

Les résultats de cet atelier permettront au Sénégal de disposer d’un dispositif robuste, crédible et en phase avec les exigences internationales, en particulier celles du futur rapportage pour la COP31.

Vers une transition juste, résiliente et mesurable

À travers cet atelier, le Sénégal franchit une étape décisive dans la consolidation de sa gouvernance climatique. L’opérationnalisation du SSEA devrait permettre d’assurer un suivi précis des progrès, d’orienter efficacement les investissements et de renforcer la résilience des communautés face aux chocs climatiques.

Pour les autorités, cette dynamique marque l’ancrage d’une transition écologique moderne, fondée sur la transparence, la performance et l’impact mesurable — une transition que le Sénégal entend poursuivre avec détermination.
Moctar FICOU / EMA    
Moctar FICOU


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