Sonacos S.A. : l'État protecteur, une stratégie coûteuse et inefficace ?


Rédigé le 23 Aout 2025 à 14:11 | 0 commentaire(s) modifié le 23 Aout 2025 16:08

Ndakhté M. GAYE est un journaliste d'investigation engagé dans le suivi citoyen des obligations… En savoir plus sur cet auteur

EMA/Août 2025 - Le diagnostic dressé sur la situation de la SONACOS SA révèle une crise plus profonde, aux racines structurelles et aux implications stratégiques majeures.


Entre relance politique et impasse structurelle

Le Conseil interministériel du 22 août 2025, consacré à la situation de la Société nationale de commercialisation des oléagineux du Sénégal (SONACOS SA), marque un tournant dans la trajectoire d’une entreprise emblématique de la filière arachidière sénégalaise. Si les 14 mesures annoncées par le premier ministre Ousmane Sonko témoignent d’une volonté politique affirmée, le diagnostic dressé révèle une crise plus profonde, aux racines structurelles et aux implications stratégiques majeures.

⚠️ Une entreprise sous perfusion publique

Avec plus de 140 milliards FCFA injectés entre 2018 et 2023, la SONACOS SA incarne une forme de dépendance chronique à l’État. Cette recapitalisation massive, censée corriger les effets d’une privatisation jugée défaillante, n’a pas empêché l’accumulation de pertes abyssales (33 milliards FCFA sur deux exercices) ni la dégradation des capitaux propres. Le paradoxe est frappant : malgré son statut de Société anonyme à participation publique majoritaire (SAPPM), la société peine à se positionner comme acteur compétitif dans un marché libéralisé, dominé par des opérateurs privés souvent peu régulés.

🌾 Une filière arachidière en décomposition

L'état des lieux souligne la déstructuration de la filière, exposée à la concurrence déloyale et à l’exportation anarchique des meilleures semences. Le Comité national interprofessionnel de l’arachide (CNIA), en réforme, reste encadré par des textes obsolètes datant de 1985. Ce décalage réglementaire illustre l’incapacité de l’État à adapter ses instruments de régulation à la réalité du terrain, où les producteurs, transformateurs et commerçants évoluent dans un flou juridique et économique.

🏭 Une relance industrielle en trompe-l’œil ?

La remontée spectaculaire des volumes collectés (de 12 900 à 155 000 tonnes) et la création de 2 300 emplois sont présentées comme des succès. Mais ces chiffres, bien que encourageants, ne suffisent pas à masquer la vétusté des installations, l’arrêt prolongé des usines, et l’absence de vision industrielle intégrée. Le fait que les installations industrielles soient restées à l'arrêt pendant deux ans illustre une défaillance de la gestion antérieure. Le texte souligne que les textes de 1985 ne sont plus adaptés à la situation actuelle. Cela soulève la question de l'inertie de l'administration face à des défis économiques modernes. La SONACOS SA reste prisonnière d’un modèle hybride : soumise aux règles du Code des marchés publics, sans les leviers de flexibilité nécessaires pour affronter un marché de l’huile comestible volatile et fragmenté.  Cette soumission au Code des marchés publics freine sa compétitivité face aux acteurs privés, qui, eux, ne respectent pas toujours les règles du jeu. Ce déséquilibre fragilise l'entreprise publique.

🧭 Quelle souveraineté industrielle pour le Sénégal ?

Dans le cadre de la « Vision Sénégal 2050 », la SONACOS SA est censée incarner la souveraineté alimentaire et la transformation locale. Or, l'état des lieux révèle une contradiction : l’État fixe les prix de commercialisation de l'arachide pour protéger les producteurs sans tenir compte des réalités économiques, tout en excluant la SONACOS des mécanismes de stabilisation du marché. Cette marginalisation stratégique interroge : comment une entreprise publique peut-elle jouer un rôle structurant si elle est tenue à l’écart des arbitrages économiques clés ? Cela peut être considéré comme une politique sociale louable, mais qui met la société dans une situation financière précaire, l'empêchant d'être compétitive.

🏗️ Des actifs dormants, un potentiel inexploité

Enfin, l'état des lieux évoque des actifs fonciers et des « niches à explorer ». Cette mention, presque en marge, ouvre une piste cruciale : celle de la valorisation patrimoniale, de la diversification des revenus et de l’innovation agro-industrielle. Mais là encore, sans stratégie claire, ces atouts risquent de rester lettre morte.  

🔍 Conclusion : Réformer ou renoncer ?

La SONACOS SA ne peut se contenter d’un sauvetage ponctuel. Elle appelle une refondation profonde : gouvernance rénovée, régulation adaptée, stratégie industrielle cohérente et implication réelle dans les politiques publiques. À défaut, elle risque de devenir un symbole de plus d’un volontarisme politique sans transformation structurelle.
Il y a de se demander si les 14 mesures prises par le premier ministre Ousmane Sonko seront suffisantes pour résoudre les problèmes structurels de la SONACOS.


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