Connectez-vous S'inscrire
https://www.energiemineafrique.com/
ecofinance.sn
Facebook
Twitter
Votre boussole stratégique pour l'énergie et les mines en Afrique



Réaliser la vision de l’Afrique : pourquoi les universités doivent se remettre au service de la société


Rédigé le 1 Août 2025 à 13:05 | 0 commentaire(s) modifié le 1 Août 2025 - 17:44


(EMA Sénégal) - Il est impératif que les établissements d'enseignement supérieur réfléchissent de manière critique à leur mission.


Alors que le continent se tourne vers l'Agenda 2063, le plan directeur de l'Union africaine (UA) pour une Afrique prospère, intégrée et pacifique, et vers les Objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies, il est impératif que les établissements d'enseignement supérieur réfléchissent de manière critique à leur mission. Dans leur forme actuelle, trop de nos universités semblent déconnectées des réalités qui les entourent. Le décalage entre les connaissances académiques et leur application pratique ne cesse de se creuser, et il est urgent de remédier à cette lacune.

Le défi de l'Afrique ne réside pas dans un manque d'intelligence ou d'ambition. Il s'agit d'une défaillance des systèmes – des systèmes qui produisent des diplômés sans les doter des compétences nécessaires à un monde exigeant et en constante évolution. Dans un rapport de 2016, la Banque africaine de développement a évoqué une crise du chômage et des migrations des jeunes. Ces tendances sont profondément liées à l'incapacité de nos systèmes éducatifs à préparer les étudiants au monde du travail ou à l'entrepreneuriat. En tant qu'établissements d'enseignement supérieur, nous devons assumer une part de responsabilité dans cette insuffisance.

Les universités doivent devenir des moteurs d’impact sociétal

La mission traditionnelle d'une université – à savoir enseigner, mener des recherches et servir la société – reste pertinente. Cependant, le troisième élément, le service sociétal, est souvent le plus faible. L'impact académique, mesuré par les citations dans les revues et les classements mondiaux, occupe une place centrale, tandis que l'impact communautaire est souvent relégué au second plan, voire totalement oublié.

Cette culture universitaire, animée par le mantra « publier ou périr », a créé un système où la recherche aboutit souvent dans des revues internationales, sans grand intérêt pour les communautés d'origine. Nous devons nous interroger : quelle est la valeur d'une recherche qui ne peut être ni ressentie, ni vue, ni appliquée pour améliorer la vie de ceux qui nous entourent ?

Une société aussi jeune et dynamique que l'Afrique a besoin d'une recherche axée sur les solutions, une recherche qui réponde aux défis locaux en matière de santé, d'agriculture, d'énergie, d'accès à l'eau et de réduction de la pauvreté. La recherche doit être ressentie dans la rue, et pas seulement dans les salles de séminaire.

Repenser les programmes et les approches d'apprentissage

Il est urgent de revoir nos programmes d'études. Les universités africaines doivent repenser leurs programmes d'études pour refléter les exigences du XXIe siècle et les aspirations inscrites dans l'Agenda 2063 et les ODD. Les diplômes ne doivent pas seulement conférer du prestige ; ils doivent se traduire par des compétences, une pertinence et une innovation.

Nos méthodes d'enseignement doivent évoluer. L'apprentissage par la résolution de problèmes, l'éducation axée sur les défis et l'éducation au développement doivent devenir des approches fondamentales. Ces approches

Les pédagogies ne se contentent pas de transmettre des connaissances ; elles développent le caractère, approfondissent la compréhension et permettent aux étudiants de penser de manière critique et d’agir de manière décisive.

De plus, la recherche interdisciplinaire, impliquant les facultés de sciences, d'ingénierie, de santé, de commerce et de lettres, doit devenir la norme. La complexité des problèmes de l'Afrique exige une collaboration interdisciplinaire. Le changement climatique, l'insécurité alimentaire et la santé publique ne peuvent être abordés en vase clos. Aucune faculté ne peut prétendre à elle seule détenir les solutions à ces problèmes. L'action commune n'est pas facultative ; elle est essentielle.

La place de l'Agenda 2063 dans la recherche universitaire

L'Agenda 2063 offre un cadre solide pour le développement de l'Afrique. Ses 12 grands objectifs, allant de l'éradication de la pauvreté et des soins de santé à la bonne gouvernance, la sécurité et l'innovation, ne sont pas de simples aspirations ; ce sont des objectifs mesurables. Les universités ont un rôle essentiel à jouer dans la réalisation de ces objectifs. La recherche issue de nos établissements de troisième cycle devrait s'aligner délibérément sur ces objectifs.

Concrètement, cela signifie orienter la recherche doctorale vers les besoins sociétaux, notamment ceux liés aux programmes de développement de l'UA et de l'ONU. Les thèses et mémoires doivent dépasser l'exploration théorique pour proposer des applications concrètes. Et, dans la mesure du possible, les résultats de la recherche doivent être communiqués non seulement dans un langage académique, mais aussi dans des formats et des langues locales accessibles aux communautés et aux décideurs politiques.

Il est temps de combler le fossé entre la ville et la ville.

Vers une nouvelle mesure du succès

Pendant des décennies, l'impact des universitaires africains a été mesuré par le nombre de leurs publications et le facteur d'impact des revues dans lesquelles ils paraissent. Si cette forme d'évaluation a sa place, elle ne doit plus être le seul ni le principal indicateur.

Nous devons plutôt nous demander : comment ces recherches ont-elles amélioré la vie des citoyens ? Ont-elles conduit à des changements politiques ? Ont-elles inspiré l’innovation ? Ont-elles créé des emplois ou amélioré les conditions de vie ? Si nous ne pouvons pas répondre positivement à ces questions, nous devons repenser nos priorités.

L'impact sociétal de la recherche n'est pas impossible à mesurer. Il nécessite une évolution des mentalités et de la culture académique, une évolution qui valorise autant le service à la communauté que l'érudition. Il ne s'agit pas de diminuer la valeur d'une recherche rigoureuse et évaluée par les pairs, mais de la contextualiser aux besoins de notre continent.

Un appel à l'action

L'avenir de l'Afrique ne sera pas assuré uniquement par les politiques, mais par l'engagement résolu de ses institutions, en particulier de ses universités. Si les universités africaines veulent mener la charge vers l'Afrique que nous voulons, elles doivent se repositionner non seulement comme centres d'apprentissage, mais aussi comme moteurs actifs du développement national et continental.

Cela signifie adopter une réforme des programmes, favoriser les partenariats interdisciplinaires, aligner la recherche sur les objectifs de développement et mesurer le succès par l’impact, et pas seulement par les citations.

Les défis pour l'Afrique sont immenses, mais son potentiel l'est tout autant. Avec un leadership, une vision et un engagement appropriés, nos universités peuvent devenir de puissants vecteurs de transformation. Nous devons cesser d'exporter nos meilleurs cerveaux et commencer à exporter des solutions locales. Le travail commence dès maintenant – dans les salles de classe, les laboratoires et, surtout, dans les communautés qui comptent sur nous pour trouver espoir et progrès.

Ce n’est qu’à ce moment-là que nous pourrons dire que nos universités sont véritablement adaptées à leur mission dans un continent qui aspire au changement.
 
 

Professeur Ushotanefe Useh, Université du Nord-Ouest (NWU)
Ushotanefe Useh



Actualité | EcoFinance | Finance | Technologie | Contenu local | Environnement | Contribution | Donneurs | Conseil des Ministres | Nominations | Mines-Hydrocarbures | Energies