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Energie & Mines Afrique

Sénégal : pris au piège de la dette, entre fardeau extérieur et danger intérieur


Rédigé le 7 Décembre 2025 à 21:09 | 0 commentaire(s) modifié le 7 Décembre 2025 - 21:36

Massamba Ndakhté Gaye
Ndakhté M. GAYE est un journaliste d'investigation engagé dans le suivi citoyen des obligations... En savoir plus sur cet auteur

EMA - Le Sénégal, pays IDA vulnérable, consacre 37 % de ses recettes d'exportation au service de la dette. Il illustre le double risque de l’endettement massif extérieur et des financements intérieurs coûteux.


L'analyse du cas du Sénégal, à la lumière du Rapport sur la dette internationale de la Banque mondiale, révèle que le pays est un cas d'école des vulnérabilités mises en évidence par l'institution.

Le Sénégal illustre parfaitement le double piège décrit par la Banque mondiale : celui de la surcharge de la dette extérieure (qui est le cœur du rapport) et celui du risque grandissant de la dette intérieure (que le rapport pointe comme un nouveau danger).

Surcharge du service de la dette et statut IDA

Le Sénégal est un pays éligible aux financements de l'IDA (Association internationale de développement) de la Banque mondiale, ce qui le place d'emblée dans le groupe des 78 pays les plus vulnérables dont le rapport souligne l'endettement record et l'impact social.

  • Poids de la dette : l'encours total de la dette publique sénégalaise, majoritairement extérieure (autour de 70 %), est élevé, atteignant environ 80 % du PIB à la mi-2024.

  • Coût du service : le fardeau du service de la dette est particulièrement lourd. Selon des analyses, environ 37 % des recettes d'exportation du Sénégal sont absorbées par les remboursements. Ce ratio est extrêmement élevé et est une manifestation concrète de l'écart historique de 741 milliards de dollars entre les remboursements et les nouveaux financements pointé par la Banque mondiale. Ce coût financier massif réduit la capacité de l'État à financer les dépenses de développement.

  • Risque de surendettement : le pays est considéré comme présentant un risque modéré de surendettement public, mais avec des marges limitées pour absorber de futurs chocs, ce qui rend la situation précaire.

    Le piège de la dette intérieure : la nouvelle vulnérabilité


L'analyse de la Banque mondiale met en garde contre la ruée des pays vers la dette intérieure en raison du resserrement des conditions de financement international. Le Sénégal est directement concerné par cette dynamique.

  • Pivot vers le régional : face au coût élevé des eurobonds et des conditions de financement externe, le Sénégal a réorienté une partie de son financement vers le marché régional (UEMOA), augmentant sa dette intérieure.

  • Risques confirmés : cette stratégie, bien que nécessaire, soulève exactement les risques décrits par la Banque mondiale :

    • Coût élevé : le marché régional est souvent plus cher (conditions moins concessionnelles) que les prêts multilatéraux de l'IDA, contribuant à la hausse des taux d'intérêt moyens globaux du pays.

    • Échéances plus courtes : la dette intérieure a généralement des maturités plus courtes, augmentant le risque et le coût du refinancement, et exacerbant la pression sur le budget à court terme.

    • Éviction du privé (Crowding out) : la forte demande de l'État sur le marché régional peut potentiellement évincer le secteur privé local de l'accès au crédit, freinant la croissance économique non liée à l'État.

      Conséquences sociales et insécurité alimentaire


Le Sénégal, en tant que pays IDA fortement endetté, est particulièrement sensible à la corrélation entre dette et insécurité alimentaire soulignée par le rapport.

  • Impact budgétaire : l'augmentation des dépenses liées au service de la dette publique contraint le budget, rendant difficile la mise en place de filets de sécurité sociale efficaces ou l'investissement dans des secteurs cruciaux comme la santé et l'éducation.

  • Souveraineté alimentaire : les efforts pour renforcer la souveraineté alimentaire (notamment la riziculture) sont directement entravés par la pression financière. Des initiatives pour alléger la dette agricole (comme la levée récente d'une dette de 9 milliards de FCFA pour la riziculture) montrent que la gestion de la dette est une condition préalable à la lutte pour l'autosuffisance alimentaire.


En conclusion, le Sénégal est l'incarnation des défis actuels : un pays qui doit jongler entre un service de la dette extérieure insoutenable et la nécessité risquée de s'endetter localement pour maintenir son développement, le tout au détriment potentiel de la sécurité alimentaire et de l'investissement social.

 




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