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Transparence du secteur extractif sénégalais : évaluation de l'impact du nouveau décret sur le Rbe et les perspectives pour la validation ITIE 2025


Rédigé le 29 Juillet 2025 à 05:13 | 0 commentaire(s) modifié le 29 Juillet 2025 - 14:20

Massamba Ndakhté Gaye
Ndakhté M. GAYE est un journaliste d'investigation engagé dans le suivi citoyen des obligations... En savoir plus sur cet auteur

(EMA – Sénégal) – Un nouveau rapport fournit une analyse de l'état actuel de la transparence de la propriété effective au Sénégal et l'impact du décret adopté en conseil des ministres.


Introduction

La gouvernance et la transparence dans le secteur extractif constituent des piliers fondamentaux pour le développement durable de toute nation riche en ressources naturelles. Le Sénégal, conscient de cet impératif, a manifesté un engagement fort en adhérant à l'Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE) en octobre 2013.

Cette adhésion stratégique visait à améliorer la gouvernance du secteur et à garantir que les bénéfices tirés de l'exploitation minière, pétrolière et gazière profitent directement à la population sénégalaise. Au cours de la dernière décennie, le processus ITIE a joué un rôle déterminant dans la réalisation de progrès substantiels en matière de transparence et de redevabilité, notamment par l'amélioration du cadre juridique et institutionnel et l'élargissement de l'accès à l'information. Le Sénégal a constamment démontré son dévouement, obtenant un statut de "progrès satisfaisants" dans la mise en œuvre de l'ITIE, convenu par le Conseil d’administration ITIE du 8 mai 2018. Le 20 octobre 2021, il a été constaté que le Sénégal a obtenu un score très élevé (93 points) dans la mise en œuvre de la Norme ITIE 2019.  La norme ITIE elle-même sert de référence reconnue mondialement pour promouvoir la transparence et la redevabilité dans la gouvernance des ressources naturelles.  

Une étape cruciale dans le parcours du Sénégal vers la transparence fut la promulgation du décret n° 2020-791 du 19 mars 2020, qui a conduit à la création du Registre des bénéficiaires effectifs (RBE). Ce décret répondait directement aux exigences de l'ITIE en matière de transparence de la propriété effective, entrées en vigueur le 1er janvier 2020, et s'alignait également sur l'article 25-1 de la Constitution sénégalaise, qui consacre l'appartenance des ressources naturelles au peuple. La récente modification de ce décret fondamental, officiellement adoptée par le Conseil des ministres le 16 juillet 2025, représente une évolution critique. Cet amendement vise à corriger les lacunes identifiées dans le cadre initial et à aligner pleinement l'environnement réglementaire du Sénégal sur la norme ITIE 2023 mise à jour.  

Le présent rapport exhaustif a pour objectif de fournir une analyse approfondie de l'état actuel de la transparence de la propriété effective au Sénégal. Il évaluera méticuleusement l'impact du décret nouvellement adopté, en examinant comment il est censé remédier aux déficiences précédemment identifiées. En outre, le rapport évaluera les efforts en cours et proposera des recommandations stratégiques et concrètes visant à assurer la progression continue du Sénégal en matière de transparence et à garantir une performance solide lors de la prochaine validation ITIE 2025.

I. Le cadre juridique initial et les défis de la transparence des Bénéficiaires Effectifs au Sénégal
A. Le décret n° 2020-791 du 19 mars 2020 : portée et définitions


Le décret n° 2020-791, signé le 19 mars 2020, a institué le RBE au sein des greffes du Registre du commerce et du crédit mobilier (RCCM). Ce registre est placé sous la surveillance directe du juge en charge du RCCM. La fonction première du RBE est de recueillir les déclarations d'un large éventail d'entités, incluant les sociétés, les entreprises individuelles, les groupements d'intérêt économique (GIE), les entreprenants et toute autre entité immatriculée ou déclarant son activité dans la chaîne de valeur du secteur extractif sénégalais. Il est à noter que le décret autorise la tenue du RBE sous forme électronique, ce qui facilite une gestion moderne des données.  

Le RBE est structuré pour inclure un registre d'arrivée, qui enregistre les déclarations par ordre chronologique de dépôt, et des dossiers individuels pour chaque entité déclarée, contenant l'original de la déclaration. Pour garantir la conformité, l'article 7 confère au juge de surveillance le pouvoir d'enjoindre aux entités, d'office ou à la demande du ministère public ou de toute partie intéressée, de procéder à leurs déclarations de bénéficiaires effectifs dans un délai qu'il fixe.  

L'article 11 du décret original fournit une définition précise du « bénéficiaire effectif », le désignant comme la ou les personnes physiques qui possèdent ou contrôlent, directement ou indirectement, la personne morale ou physique immatriculée ou déclarant son activité. Le décret stipule explicitement qu'une personne morale ne peut en aucun cas être un bénéficiaire effectif. Les critères initiaux d'identification des bénéficiaires effectifs comprenaient : toute personne physique détenant, directement ou indirectement, au moins 2 % du capital ou des droits de vote de la société déclarante. À défaut d'identification selon ces critères, les bénéficiaires effectifs étaient désignés comme les personnes physiques qui occupent, directement ou indirectement (notamment par l'intermédiaire d'une ou plusieurs personnes morales), la position de représentant légal de la société déclarante. La définition des personnes politiquement exposées (PPE) dans ce cadre est tirée de la Loi n°2018-03 du 23 février 2018, relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.  

L'application effective des dispositions du décret N°2020-791 a débuté en juin 2021, s'étendant à tous les détenteurs de titres dans les secteurs minier et pétrolier. Les entreprises assujetties à ces réglementations disposaient d'un délai de six mois à compter de l'entrée en vigueur du décret pour soumettre leurs déclarations. Le processus de déclaration exige l'utilisation d'un formulaire spécifique, tel que prescrit par un arrêté du Ministre de la Justice. Ce formulaire requiert des informations complètes pour les bénéficiaires effectifs, incluant les noms complets, nationalités, pays de résidence, numéros d'identification nationaux, dates de naissance, adresses de domicile et de résidence, ainsi que la date d'acquisition de la propriété effective. Pour les PPE, les informations requises comprennent leurs noms complets, la fonction publique ou politique qu'ils occupent, les dates de début et de fin de leur mandat, et la nature de leur relation avec les bénéficiaires effectifs.  

B. Bilan de l'application et lacunes du Registre des Bénéficiaires Effectifs

Les déclarations de bénéficiaires effectifs (BE) sont restées "timides". Au 8 décembre 2023, seules 432 entreprises avaient procédé à la déclaration de leurs bénéficiaires effectifs. Ce chiffre n'a connu qu'une augmentation modeste, atteignant 518 entreprises au 17 octobre 2024.

Ce faible taux de conformité, avec une augmentation de seulement 86 entreprises sur près d'un an et demi, suscite des préoccupations, d'autant plus qu'il existe une obligation légale et des sanctions potentielles en cas de non-conformité. Cette lenteur dans les déclarations indique que les défis dépassent la simple existence d'un cadre juridique. Plusieurs facteurs sous-jacents pourraient expliquer cette situation. Il est possible qu'un manque de sensibilisation ou de compréhension des obligations, en particulier chez les entreprises de moindre taille ou moins sophistiquées, ait freiné les déclarations. De même, les mécanismes d'application, bien que le juge ait le pouvoir de contraindre aux déclarations, n'ont peut-être pas été suffisamment robustes ou appliqués de manière cohérente. La complexité du processus de déclaration lui-même, ou l'absence de directives claires, pourrait également avoir découragé les entreprises. Enfin, une non-conformité délibérée de la part de certaines entreprises, cherchant à maintenir l'opacité et exploitant les faiblesses perçues dans l'application ou les lacunes du système, ne peut être exclue. Cet écart significatif entre la transparence de jure (exigence légale) et de facto (conformité réelle) limite gravement l'utilité du RBE et indique qu'une part substantielle de la propriété du secteur extractif demeure opaque, entravant les efforts de lutte contre la corruption.

Une analyse approfondie du RBE a révélé plusieurs lacunes critiques dans les informations déclarées. Les informations concernant les PPE étaient systématiquement manquantes, aucune PPE n'ayant été identifiée dans les déclarations à ce jour. De même, les détails relatifs à la modalité de contrôle (la manière dont le contrôle est exercé) étaient absents. Enfin, le pourcentage de participation n'était pas systématiquement fourni pour toutes les entreprises.  

Ces omissions ne sont pas de simples oublis administratifs ; elles représentent des lacunes fondamentales qui sapent l'objectif même de la transparence des bénéficiaires effectifs. La norme ITIE (Exigence 2.5) exige explicitement la divulgation de la qualité de personne politiquement exposée d'un propriétaire, de la nature ou des moyens de contrôle, et des seuils de propriété. Les déficiences constatées contredisent directement ces exigences internationales fondamentales. Bien que le décret original de 2020 ait défini le BE sur la base d'un seuil de capital/droits de vote de 2 % ou de la représentation légale, il manquait de spécifications granulaires explicites pour la « modalité de contrôle » au-delà de la propriété directe/indirecte, et n'exigeait pas spécifiquement l'identification de toutes les PPE, quel que soit le seuil, ni la nature de leur relation avec la fonction. Cela suggère que les définitions et exigences du décret initial étaient peut-être trop larges ou manquaient de la spécificité nécessaire pour contraindre à une divulgation exhaustive de ces points de données critiques. Cela a pu permettre aux entreprises d'interpréter les exigences de manière restrictive ou d'omettre des détails complexes. En outre, malgré la surveillance du RBE par un juge et un greffier chargé de vérifier l'exactitude, l'absence constante de ces informations indique une défaillance dans le processus de vérification ou un manque de directives claires sur ce qui constitue une déclaration complète et acceptable. Les entreprises pourraient avoir exploité ces ambiguïtés ou ces lacunes dans l'application pour éviter de divulguer des informations sensibles, notamment concernant les PPE et les structures de contrôle complexes, souvent utilisées pour dissimuler des activités illicites. L'absence de ces détails compromet considérablement l'utilité du RBE en tant qu'outil de lutte contre la corruption, le blanchiment d'argent et les flux financiers illicites, car ces informations sont vitales pour identifier les véritables bénéficiaires effectifs, les conflits d'intérêts potentiels et les influences cachées.  

Le décret 2020-791 original (Article 13) limitait strictement l'accès aux informations du RBE à une liste prédéfinie d'autorités étatiques, incluant les magistrats, les officiers de police judiciaire, le Directeur général de la Comptabilité publique et du Trésor, le Directeur général en charge du Budget, et le Directeur en charge des Mines. L'accès était accordé sur demande et sans contrepartie financière. Le Rapport ITIE Sénégal du 1er semestre 2024 précise en outre que les informations du RBE n'étaient accessibles qu'aux personnes physiques ou morales qui en faisaient la demande auprès du juge de surveillance et pouvaient justifier d'un « intérêt légitime ». De plus, la divulgation des données du RBE était explicitement soumise aux réglementations sur la protection des données personnelles.  
Cette restriction de l'accès public représente un obstacle significatif aux objectifs fondamentaux de l'ITIE, qui incluent la promotion du débat public et de la redevabilité. La norme ITIE (Exigence 2.5) recommande fortement que les pays mettent en place un registre public des bénéficiaires effectifs, et qu'au minimum, les informations soient publiées dans les rapports ITIE. La clause d'«intérêt légitime » et l'accès restreint décrits dans le décret sénégalais original étaient clairement en deçà de cette recommandation internationale pour un accès public large. Cette limitation entravait gravement la capacité des organisations de la société civile, des journalistes d'investigation et du grand public à examiner les structures de propriété, à identifier la corruption potentielle et à tenir les entreprises et les fonctionnaires responsables. Cela créait une asymétrie d'information qui profitait à ceux qui cherchaient à dissimuler des activités illicites. Le manque de contrôle public réduisait l'effet dissuasif que la transparence est censée offrir contre les transactions opaques et les conflits d'intérêts. Bien que la protection des données personnelles soit importante, les meilleures pratiques internationales (telles que celles promues par le GAFI) démontrent qu'il est possible d'équilibrer les préoccupations de confidentialité avec le besoin de transparence par des garanties appropriées, plutôt que de restreindre complètement l'accès public aux données cruciales sur la propriété effective. Le cadre précédent a ainsi privilégié la confidentialité au détriment de la redevabilité publique dans une mesure qui a entravé la pleine conformité à l'ITIE.  

Évolution des déclarations de Bénéficiaires Effectifs (2023-2024)
 
Date de la Situation Nombre d'Entreprises Ayant Déclaré leurs BE Changement Pourcentage d'Augmentation
08 décembre 2023 432 N/A N/A
17 octobre 2024 518 +86 ~20%
 
Ce tableau fournit des données numériques concrètes qui quantifient la nature "timide" des déclarations. Il permet de visualiser une tendance claire et mesurable de progrès lent. En montrant une augmentation relativement faible des déclarations sur une période significative (près d'un an), il met en évidence le défi de parvenir à une conformité généralisée et en temps voulu avec le décret initial. Cela souligne la nécessité des réformes ultérieures. Ces données servent également de base cruciale ; toute évaluation future de l'efficacité du nouveau décret sera mesurée par rapport à ces chiffres initiaux. Une réforme réussie devrait entraîner une augmentation beaucoup plus rapide et substantielle du nombre de bénéficiaires effectifs déclarés. Enfin, la lenteur des déclarations, associée aux informations manquantes identifiées, justifie directement l'impératif de la récente modification du décret et la forte impulsion présidentielle en faveur d'une plus grande transparence. Cela démontre que le cadre juridique précédent, malgré son existence, ne produisait pas les résultats escomptés.

II. Le nouveau décret modificatif : avancées et conformité avec la Norme ITIE 2023

Thialy Faye, Président ITIE Sénégal.
Thialy Faye, Président ITIE Sénégal.
A. Adoption et contenu des modifications du décret n° 2020-791

Le projet de décret modifiant le décret n° 2020-791 a été formellement examiné et adopté par le Conseil des ministres le 16 juillet 2025. Cette adoption est un développement très récent et significatif dans les efforts de transparence du Sénégal.  

L'adoption de ce décret crucial est remarquablement opportune, intervenant au processus d'évaluation périodique de l'ITIE 2025 au Sénégal démarré en début juillet 2025. Ce calendrier précis suggère un effort délibéré et stratégique pour démontrer des progrès tangibles et un engagement envers la transparence au courant de cette évaluation internationale critique. L'urgence soulignée par le président Diomaye, qui a "tapé du doigt sur la table" sur la table du conseil des ministres concernant la finalisation du cadre réglementaire, souligne davantage la volonté politique de haut niveau derrière cette réforme. Cette impulsion politique est un puissant catalyseur. Elle indique que la nouvelle administration considère la transparence dans le secteur extractif non pas comme une simple question de conformité technique, mais comme une priorité politique fondamentale liée à l'intérêt national et à la bonne gouvernance. Un tel engagement au plus haut niveau est souvent essentiel pour surmonter l'inertie bureaucratique, accélérer des réformes juridiques complexes et garantir que tous les ministères concernés et les entreprises donnent la priorité à la conformité.

Le nouveau décret introduit plusieurs innovations clés destinées à renforcer la transparence. Il vise spécifiquement à intégrer la divulgation de la propriété juridique, à rendre obligatoire la divulgation des PPE indépendamment de tout seuil de participation, et à établir une accessibilité sans restriction au RBE. Ces modifications ciblent spécifiquement les Articles 12 et 13 du décret n° 2020-791 original. Alors que l'Article 13 du décret original régissait principalement la transmission d'informations à un ensemble limité d'autorités, le nouveau décret modifie fondamentalement cette disposition en « ouvrant » explicitement certaines informations contenues dans le RBE. Il stipule que ces informations seront désormais « gratuites et accessibles aux personnes physiques ou morales, conformément à l'exigence 2.5 de la Norme ITIE 2023 ». Ce changement pivot est destiné à « mettre un terme à l'anonymat des entreprises ». En outre, le nouveau décret remédie directement aux lacunes précédentes en assurant la divulgation des données sur les PPE quel que soit le seuil de participation. Le Rapport ITIE Sénégal du 1er semestre 2024 confirme que le Comité national ITIE (CN-ITIE) a activement participé à la rédaction de ce projet de modification des Articles 12 et 13, soulignant un effort collaboratif pour répondre aux normes internationales.  

Les trois innovations principales – l'inclusion de la propriété juridique, la divulgation des PPE sans seuil et l'accès public illimité – répondent directement et de manière exhaustive aux principales déficiences identifiées dans le cadre précédent (Section I). Le seuil de propriété de 2 % pour les BE et l'absence totale d'informations sur les PPE dans le décret original sont désormais corrigés. Plus important encore, le passage d'une exigence d'« intérêt légitime » pour l'accès à une « accessibilité sans restriction » signifie un changement de paradigme fondamental dans l'approche du Sénégal en matière de transparence, vers un registre véritablement public. Cet alignement robuste avec l'Exigence 2.5 de l'ITIE, qui recommande fortement un registre public, indique un effort sérieux et stratégique pour respecter les meilleures pratiques internationales et assurer un résultat favorable pour la validation ITIE 2025. Cela reflète une reconnaissance claire que la clause précédente d'« intérêt légitime » constituait un obstacle important à une transparence efficace et à un contrôle public. L'inclusion de la propriété juridique est également une amélioration cruciale, car elle permet une compréhension plus complète des structures d'entreprise complexes et aide à prévenir l'utilisation de sociétés écrans pour dissimuler la véritable propriété. Le nouveau décret représente une réponse exécutive proactive et exhaustive aux défis internes et aux attentes internationales.  

B. Analyse de l'impact sur les manquements et alignement avec les standards internationaux

L'intégration de la divulgation de la propriété juridique fournira une compréhension plus exhaustive et granulaire des structures d'entreprise. En exigeant des informations sur les entités intermédiaires, elle facilite le traçage des chaînes de propriété complexes, rendant plus difficile la dissimulation du bénéficiaire effectif ultime. Cela remédie directement à la lacune précédente dans la compréhension de la structure de propriété complète.  

Le mandat de divulgation des PPE indépendamment de tout seuil de participation corrige directement l'absence critique précédente d'informations sur les PPE. Cela est en alignement direct avec l'Exigence 2.5 de l'ITIE, qui stipule explicitement que les définitions de la propriété effective doivent inclure des obligations de déclaration pour les PPE. Cette mesure est primordiale pour identifier les conflits d'intérêts potentiels, prévenir la corruption et garantir la confiance du public dans le secteur extractif.  

Le changement le plus transformateur est la disposition relative à l'accès public sans restriction au RBE. Cela rapproche considérablement le Sénégal de la recommandation explicite de la norme ITIE concernant un registre public. Cette accessibilité améliorée permettra un examen plus approfondi de la part des organisations de la société civile, des médias et du grand public, renforçant ainsi considérablement la redevabilité et réduisant les opportunités de flux financiers illicites et de transactions cachées.  

La norme ITIE (Exigence 2.5) exige que, d'ici le 1er janvier 2020, les pays mettent en œuvre et les entreprises divulguent des informations sur la propriété effective pour toutes les entreprises pétrolières, gazières et minières. Cela inclut l'identité du bénéficiaire effectif (nom, nationalité, pays de résidence et statut de personne politiquement exposée), et recommande fortement la tenue d'un registre public. Les dispositions du nouveau décret – en particulier celles concernant la propriété juridique, la divulgation des PPE sans seuil et l'accès public sans restriction – démontrent un alignement robuste avec l'esprit et les exigences explicites de l'Exigence 2.5 de l'ITIE, notamment la recommandation cruciale du « registre public ». Cela représente un bond substantiel vers la pleine conformité et renforce la position du Sénégal pour la validation en cours.  

La Recommandation 24 du Groupe d'action financière (GAFI), mise à jour en mars 2022, est une norme internationale clé en matière de propriété effective. Elle exige des pays qu'ils garantissent que les autorités compétentes ont accès à des informations adéquates, exactes et à jour sur les véritables propriétaires des entreprises. Le GAFI préconise une « approche à multiples volets », combinant des informations provenant des entreprises elles-mêmes et des autorités publiques via un registre ou un mécanisme alternatif garantissant un accès efficace.  

Bien que le nouveau décret du Sénégal améliore considérablement la conformité à l'ITIE, en particulier en ce qui concerne l'accès public, les directives du GAFI introduisent une nuance essentielle : l'accent mis sur l'accès efficace et une « approche à multiples volets ». La simple création d'un registre public est une première étape cruciale ; assurer son utilisabilité, son exactitude et sa mise à jour est le prochain défi, plus complexe. Le GAFI souligne que les pays utilisant une approche à multiples volets se sont avérés plus efficaces pour prévenir l'utilisation abusive des personnes morales à des fins criminelles. L'engagement du Sénégal envers un registre public est un signal fort d'intention, mais son efficacité finale dépendra fortement de la robustesse de ses mécanismes de mise en œuvre. Les problèmes antérieurs de données manquantes (PPE, modalité de contrôle, pourcentage de participation) indiquent que l'assurance qualité et la vérification des données seront primordiales, même avec le nouveau cadre juridique. Cela implique le développement de systèmes de collecte de données sophistiqués, la mise en œuvre de protocoles de vérification rigoureux, la garantie de mises à jour régulières et la promotion de l'interopérabilité avec d'autres bases de données gouvernementales pertinentes. L'adoption du décret est une victoire, mais le véritable défi réside dans son opérationnalisation fluide pour répondre non seulement aux critères de conformité de l'ITIE, mais aussi aux normes d'efficacité plus larges établies par des organismes comme le GAFI pour la lutte contre la criminalité financière.  

III. Recommandations stratégiques pour une transparence accrue

Pour assurer une transparence accrue et une performance optimale lors de la validation ITIE 2025, les recommandations stratégiques suivantes sont formulées :
  • Accélération de la publication officielle et de la vulgarisation du nouveau décret. Étant donné que le nouveau décret a été adopté par le Conseil des ministres le 16 juillet 2025, sa publication immédiate et officielle au Journal officiel est primordiale. Cette étape est cruciale non seulement pour sa force exécutoire légale, mais aussi pour assurer une large sensibilisation de toutes les parties prenantes concernées (comme ce fut le cas pour le décret original). Une campagne de sensibilisation publique complète et multi-facettes devrait être lancée sans délai. Cette campagne doit cibler toutes les audiences pertinentes, y compris les entreprises extractives, leurs conseillers juridiques et financiers, les organisations de la société civile, les médias et le grand public, afin d'expliquer clairement les nouvelles exigences, les avantages d'une transparence accrue et les implications de la non-conformité.  
  • Renforcement des capacités des acteurs (entreprises, administrations, société civile). Il est essentiel de fournir des programmes de formation ciblés et continus ainsi que des supports d'orientation clairs aux entreprises sur la manière d'identifier et de déclarer avec précision leurs bénéficiaires effectifs. Cette formation devrait spécifiquement aborder les structures de propriété complexes, l'identification des PPE et le rapportage des modalités de contrôle et des pourcentages de participation. Il convient de renforcer les capacités techniques et juridiques des fonctionnaires chargés de la gestion, de la vérification et de l'application du RBE, en particulier les juges et les greffiers supervisant le RCCM, qui sont en première ligne de la collecte et de l'assurance qualité des données. Il faut également donner aux organisations de la société civile (OSC) les connaissances, les outils et l'accès nécessaires pour surveiller efficacement les divulgations des BE, analyser les données du RBE et utiliser ces informations pour le plaidoyer, la recherche et les initiatives de redevabilité publique.  
  • Mécanismes de vérification et d'assurance qualité des données. Au-delà de la simple auto déclaration, il est crucial de mettre en œuvre des mécanismes robustes de vérification des données, comme le recommande fortement la norme ITIE. Cela devrait inclure l'exigence d'attestation des déclarations par la haute direction ou le conseiller juridique, l'obligation de soumettre des documents justificatifs (par exemple, registres d'actionnaires, actes de fiducie) et l'authentification de l'identité des bénéficiaires effectifs. Des procédures claires et transparentes pour traiter les déclarations incomplètes, inexactes ou suspectes doivent être établies, y compris l'application de sanctions administratives et pénales en cas de non-conformité. Des audits réguliers et indépendants des données du RBE devraient être menés pour évaluer et garantir en permanence leur exactitude, leur fiabilité et leur exhaustivité.  
Conclusion

Le Sénégal a démontré un bond en avant significatif et louable dans son engagement envers la transparence de la propriété effective avec l'adoption récente du décret modifiant le décret n° 2020-791. Cette réforme pivot aborde directement les lacunes critiques précédemment identifiées, en particulier concernant la divulgation complète des PPE, l'intégration des informations sur la propriété juridique et, surtout, l'étape cruciale de l'ouverture du RBE à l'accès public. Ces avancées positionnent le Sénégal en forte conformité avec la norme ITIE 2023 mise à jour. La volonté politique robuste démontrée par les directives directes du président Bassirou Diomaye Faye souligne davantage l'engagement national envers cet agenda vital, d'autant plus que le pays se prépare à la validation ITIE 2025. Cet engagement de haut niveau fournit l'impulsion nécessaire pour faire avancer les réformes. Cependant, malgré ces réalisations législatives, des défis significatifs persistent, principalement axés sur l'opérationnalisation et la mise en œuvre effective de ces avancées juridiques. Le besoin continu d'une assurance qualité rigoureuse et complète des données reste des obstacles clés qui nécessitent une attention et des efforts soutenus.

La transparence dans le secteur extractif transcende la simple conformité aux normes internationales ; elle est un pilier fondamental d'une gouvernance solide. Elle est indispensable pour lutter efficacement contre la corruption, prévenir les flux financiers illicites et garantir que les avantages substantiels tirés des ressources naturelles du Sénégal contribuent véritablement au développement durable de la nation et à l'amélioration du bien-être de l'ensemble de sa population. Une véritable transparence favorise la confiance, attire les investissements responsables et donne aux citoyens les moyens de tenir leur gouvernement et les entreprises responsables.

En mettant en œuvre avec diligence les dispositions du nouveau décret et en favorisant une culture omniprésente de la redevabilité chez toutes les parties prenantes, le Sénégal a une occasion unique non seulement de maintenir, mais aussi de renforcer considérablement sa position de leader régional et international en matière de transparence dans le secteur extractif. Cette approche proactive peut servir d'exemple puissant et inspirant pour d'autres nations riches en ressources qui aspirent à une meilleure gouvernance. La prochaine validation ITIE 2025 offre une opportunité cruciale et opportune au Sénégal de présenter fièrement ses progrès constants et son profond engagement envers ces principes vitaux.



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